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Immigration : la Commission européenne veut « abolir le règlement de Dublin », annonce sa présidente

Ursula von der Leyen a fait cette annonce à l’issue de son premier discours sur l’état de l’UE, ajoutant que le règlement serait remplacé « par un nouveau système européen de gouvernance de la migration ».

Le Monde avec AFP

Publié le 16 septembre 2020 à 11h51, modifié le 16 septembre 2020 à 15h54

Temps de Lecture 8 min.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours devant les députés européens réunis en session plénière à Bruxelles, mercredi 16 septembre.

La Commission européenne veut « abolir » le règlement dit « de Dublin » confiant la responsabilité d’une demande d’asile au pays de première entrée des migrants dans l’UE, a déclaré, mercredi 16 septembre, la cheffe de l’exécutif européen Ursula von der Leyen devant le Parlement européen.

« Je peux annoncer que nous allons abolir le règlement de Dublin et le remplacer par un nouveau système européen de gouvernance de la migration (…). Il y aura un nouveau mécanisme fort de solidarité », a-t-elle dit, une semaine avant la présentation par la Commission d’une réforme très attendue de la politique migratoire dans l’UE.

« Il y aura des structures communes pour l’asile et le retour. Et il y aura un nouveau mécanisme fort de solidarité », a-t-elle encore précisé, alors que les pays qui sont en première ligne d’arrivée des migrants (Grèce, Malte, Italie notamment) se plaignent de devoir faire face à une charge disproportionnée. La proposition de réforme de la Commission devra encore être acceptée par les Etats.

Cette annonce a été faite à l’issue d’un long discours, son premier sur l’état de l’Union européenne. Pendant plusieurs heures, Ursula von der Leyen a tenté d’insuffler un nouvel élan à une Union européenne fragilisée, notamment par la crise provoquée par la pandémie de Covid-19.

Elue de justesse par le Parlement européen en juillet 2019 après sa désignation par les Etats membres, Mme von der Leyen s’appuie sur une majorité constituée par les trois grandes familles, le Parti populaire européen (la droite pro-européenne), les sociaux-démocrates et les libéraux-centristes de Renew dont elle a repris les priorités.

Première femme à la tête de la Commission, elle s’est pliée à l’exercice imposé à tous les présidents de l’exécutif bruxellois et qui permet de mieux cerner leur personnalité. Devant les députés européens réunis en session plénière à Bruxelles, elle a exposé sa vision de l’avenir de l’Europe et son plan d’action.

  • Appel à une « Union européenne de la santé »

Alors que les Etats membres ont fait face en ordre dispersé à la pandémie de Covid-19, Mme von der Leyen a appelé les eurodéputés à une « Union européenne de la santé ». « Nous devons faire en sorte que notre nouveau programme “L’UE pour la santé” résiste à l’épreuve du temps (…). Nous créerons une agence de recherche et de développement biomédicaux avancés au niveau européen, comme cela existe aux Etats-Unis », a-t-elle affirmé.

La pandémie a changé la donne dans l’UE. Elle a renforcé la nécessité pour les Etats membres d’agir collectivement et d’accélérer les réformes pour soutenir leur économie en récession grâce aux investissements permis par le plan de relance massif adopté en juillet.

  • Mise en garde contre un « nationalisme vaccinal »

Tandis que la recherche d’un vaccin contre le Covid-19 fait l’objet d’une vive concurrence à l’échelle mondiale, la présidente de la Commission a mis en garde contre un « nationalisme vaccinal [qui] met des vies en danger » :

« Face à la crise que connaît le monde, certains choisissent le repli sur soi (…). Trouver un vaccin ne suffit pas. Nous devons veiller à ce que les citoyens européens et ceux du monde entier y aient accès (…). Aucun d’entre nous ne sera en sécurité tant que nous ne serons pas tous en sécurité. »

  • Intensifier la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre

Devant les eurodéputés, celle qui a fait du Green Deal un pilier de son mandat, a annoncé qu’elle entendait rehausser l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’UE pour 2030, actuellement fixé à − 40 % par rapport au niveau de 1990, à − 55 %.

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Ce relèvement, qui aurait d’importantes conséquences pour les secteurs de l’énergie, des transports ou de l’agriculture, « est trop important pour certains et insuffisant pour d’autres », a reconnu Ursula von der Leyen. Mais « notre économie et notre industrie peuvent y faire face », a-t-elle assuré. L’objectif s’inscrit dans le projet plus vaste de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone en 2050, c’est-à-dire capable de faire l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et leur absorption.

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Dans cet esprit, le plan de relance européen post-Covid-19 de 750 milliards d’euros sera financé à 30 % par des obligations vertes, a-t-elle précisé mercredi. « Nous sommes les leaders mondiaux de la finance verte et le plus grand émetteur d’obligations vertes dans le monde. Nous faisons œuvre de pionnier en élaborant une norme de l’UE solide en matière d’obligations vertes », a-t-elle affirmé.

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  • Brexit : le risque d’un « no deal » entre Bruxelles et Londres

L’ancienne ministre allemande a aussi mis en garde contre le risque de « no deal » dans l’accord sur la relation post-Brexit que Bruxelles et Londres tentent de conclure avant la fin de l’année, quand le Royaume-Uni, qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier, cessera d’appliquer les normes européennes. « Chaque jour qui passe voit vraiment faiblir les chances de conclure un accord à temps, a-t-elle insisté. Il nous reste désormais très peu de temps. »

Ursula von der Leyen a par ailleurs réaffirmé que l’accord de Brexit qui définit les modalités du divorce avait été négocié et ratifié par les deux entités, et elle a mis Londres en garde : cet accord, a-t-elle prévenu, « ne peut pas être modifié, négligé ou écarté unilatéralement ». « C’est une question de droit, de confiance et de bonne foi », a-t-elle ajouté alors que le gouvernement de Boris Johnson, assumant une transgression du droit international, a soumis au vote de la Chambre des communes un projet de loi qui vise précisément à affranchir le Royaume-Uni de certaines clauses de l’accord de Brexit.

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Il prévoit en particulier de revenir sur le protocole destiné à éviter le retour d’une frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. « L’UE et le Royaume-Uni ont convenu que c’était le meilleur et le seul moyen d’assurer la paix sur l’île d’Irlande. Et nous ne reviendrons jamais là-dessus. Cet accord a été ratifié par cette Assemblée et par la Chambre des communes », a rappelé Mme von der Leyen.

  • Migration : « L’ensemble de l’Europe doit faire sa part »

Une semaine après l’incendie du camp de réfugiés de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, la chef de l’exécutif européen a demandé à tous les Etats membres de l’UE d’« intensifier leurs efforts » sur la question migratoire, ajoutant que l’ensemble de Europe « doit faire sa part ».

« Les images du camp de Moria nous rappellent douloureusement que l’Europe doit agir dans l’unité (…). Si nous intensifions nos efforts, nous attendons de tous les Etats membres qu’ils intensifient eux aussi leurs efforts. La migration constitue un défi européen et c’est l’ensemble de l’Europe qui doit faire sa part », a-t-elle insisté.

L’Allemagne a confirmé mardi qu’elle allait accueillir 1 553 migrants présents actuellement dans les îles grecques. Depuis l’incendie de ce camp insalubre, le plus grand d’Europe, dans la nuit du 8 au 9 septembre, la pression montait sur le gouvernement allemand pour qu’il accueille certains des plus de 12 000 exilés chassés par le feu et qui se retrouvent sans abri.

  • La Turquie mise en garde contre toute tentative d’« intimidation » de ses voisins

Enfin, la dirigeante a mis en garde la Turquie contre toute tentative d’« intimidation » de ses voisins dans le conflit gazier qui l’oppose à la Grèce en Méditerranée orientale :

« La Turquie est un voisin important et le sera toujours. Mais si nous sommes géographiquement proches, la distance entre nous semble ne cesser de croître. Oui, la Turquie se situe dans une région qui connaît des troubles. Et oui, elle reçoit des millions de réfugiés, pour l’accueil desquels nous versons une aide financière considérable. Mais rien de tout cela ne justifie les tentatives d’intimidation de ses voisins. »

« Nos Etats membres, Chypre et la Grèce, pourront toujours compter sur une solidarité totale de l’Europe pour protéger leurs droits légitimes en matière de souveraineté », a promis Ursula von der Leyen.

La Grèce et la Turquie se disputent des zones en Méditerranée orientale potentiellement riches en gaz naturel. La tension s’est aggravée à la fin d’août, lorsqu’elles ont effectué des manœuvres militaires rivales. Le navire d’exploration turc au centre des tensions a finalement regagné la côte turque dimanche, ouvrant peut-être la voie à un apaisement entre les deux pays.

Il s’agit d’« une étape dans la bonne direction », « nécessaire pour créer l’espace indispensable au dialogue », a déclaré la présidente de la Commission. « La désescalade en Méditerranée orientale est dans notre intérêt mutuel. Il n’y a qu’une voie à suivre : se garder d’agir unilatéralement et reprendre les pourparlers en toute bonne foi, car c’est la voie qui mène vers la stabilité et les solutions durables. »

La crise en Méditerranée orientale est au programme d’un sommet européen les 24 et 25 septembre à Bruxelles avec, à la clé, la menace de sanctions contre la Turquie.

  • Un « plan d’action » contre le racisme dans l’UE

La présidente de l’exécutif européen a également annoncé mercredi qu’elle allait présenter « un plan d’action » contre le racisme et les « crimes de haine, qu’ils se fondent sur la race, la religion, le genre ou la sexualité ». « Il est temps à présent de construire une Union véritablement antiraciste – en condamnant le racisme, mais aussi en agissant », a-t-elle déclaré.

Parmi les évolutions attendues, elle a promis de renforcer les « lois en matière d’égalité raciale là où des lacunes subsistent », mais aussi d’utiliser le budget de l’UE « pour lutter contre la discrimination dans des domaines tels que l’emploi, le logement ou les soins de santé ». « Nous deviendrons plus sévères en matière d’application de la législation en cas de retard de mise en œuvre », a averti la dirigeante allemande.

Elle a également assuré que l’UE améliorerait « l’éducation et les connaissances sur les causes historiques et culturelles du racisme », et s’attaquerait « aux préjugés inconscients, qu’ils soient le fait des citoyens, des institutions, voire des algorithmes ». « En outre, la Commission désignera son tout premier coordinateur en matière de lutte contre le racisme afin d’accorder à cette question une attention prioritaire », a-t-elle aussi annoncé.

  • Pour la reconnaissance du droit de parentalité des couples LGBT

« La Commission proposera bientôt une stratégie visant à renforcer les droits des LGBTQI [personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes] », a déclaré Mme von der Leyen, qualifiant par ailleurs les « zones sans LGBTQ » décrétées dans un certain nombre de villes polonaises de « zones sans humanité » qui « n’ont pas leur place » dans l’UE.

« Je plaiderai en faveur de la reconnaissance mutuelle des relations familiales dans l’UE : si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans tous les pays », a-t-elle promis.

Le Monde avec AFP

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